Charles Maurice de Talleyrand Périgord (1754–1838),
Prince de Bénévent …
Naissance de Charles Maurice de Talleyrand Périgord
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, fils d’une grande famille de l’Ancien Régime, voit le jour au numéro 4 de la rue Garancière à Paris, le 2 février 1754.
Il est le fils aîné de Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord (1734-1788), chevalier de Saint-Michel en 1776, lieutenant général en 1784, qui appartient à une branche cadette de la maison de Talleyrand-Périgord, bien que sa filiation avec les comtes de Périgord soit contestée. Il vit le plus souvent à la cour de Versailles, assez désargenté. [1]
La mère de Charles-Maurice est Alexandrine de Damas d’Antigny (1728-1809), devenue l’épouse de Charles-Daniel en 1751, et nommée à cette occasion dame d’honneur de la dauphine Marie-Josèphe de Saxe. [1]
Talleyrand est le neveu d’Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821), archevêque de Reims en 1777, puis cardinal et archevêque de Paris en 1817. [1]
Il a deux frères cadets , Archambaud (1762-1838) et Boson (1764-1830). [1]
Le pied bot de Talleyrand : accident ou déformation congénitale ?
Il est fort probable que Talleyrand soit né avec un pied bot, une déformation congénitale, c’est en tous les cas la thèse défendue par Michel Poniatowski dans sa biographie de Talleyrand. Quant à l’historien Emmanuel de Waresquiel, il assure que Talleyrand souffre d’une maladie héréditaire, un de ses oncles étant affecté du même problème, le syndrome de Marfan [1].
Cependant, dans ses mémoires, Talleyrand affirme ce qui suit :
“La mode des soins paternels n’était pas encore arrivée ; la mode même était tout autre dans mon enfance ; aussi ai-je été laissé plusieurs années dans un faubourg de Paris. A quatre ans, j’y étais encore. C’est à cet âge que la femme chez laquelle on m’avait mis en pension, me laissa tomber de dessus une commode. Je me démis un pied ; elle fut plusieurs mois sans le dire ; on s’en aperçut lorsqu’on vint me prendre pour m’envoyer en Périgord chez madame de Chalais, ma grand-mère, qui m’avait demandé. Quoique madame de Chalais fût ma bisaïeule, il a toujours été dans mes habitudes de l’appeler ma grand’mère ; je crois que c’est parce que ce nom me rapproche davantage d’elle. L’accident que j’avais éprouvé était déjà trop ancien pour qu’on pût me guérir ; l’autre pied même qui, pendant le temps de mes premières douleurs, avait eu seul à supporter le poids de mon corps, s’était affaibli ; je resté boiteux.
Cet accident a influencé sur tout le reste de ma vie ; c’est lui qui, ayant persuadé à mes parents que je ne pouvais être militaire, ou du moins l’être sans désavantage, les a portés à me diriger vers une autre profession. Cela leur parut plus favorable à l’avancement de la famille. Car dans les grandes maisons, c’était la famille que l’on aimait, bien plus que les individus, et surtout que les jeunes individus que l’on ne connaissait pas encore. Je n’aime point à m’arrêter sur cette idée… je la quitte.” [2]
Entre 1758 et 1761, l’enfant Talleyrand séjourne au château de Chalais, dans le département de la Charente (16). Il y vit avec son arrière-grand-mère, Marie-Françoise de Rochechouart-Mortemart (1686-1771), princesse de Chalais. [1]
Séjour de Talleyrand au collège d’Harcourt, de 1762 à 1769
Talleyrand quitte le château de Chalais pour rejoindre le collège d’Harcourt (à l’emplacement de l’actuel lycée Saint-Louis). C’est un collège de l’université de Paris, fondé en 1280, il est situé rue de la Harpe. Cet établissement fut également fréquenté par Étienne Macdonald futur maréchal d’Empire. [1]
Talleyrand l’ecclésiastique, 1769-1789
Le cardinal de la Roche Aymon lui y revêt la soutane. [3]
L’année suivante, alors âgé de 16 ans, Talleyrand est admis au grand séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Il y restera cinq ans.
Il passa beaucoup de temps dans la bibliothèque du séminaire pour y lire des livres sur a religion ou la politique. [3]
Le samedi 1er avril 1775, Talleyrand est ordonné sous-diacre en l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris – 5e arrondissement). [3]
Le 24 septembre 1775, le roi Louis XVI désigne Talleyrand comme abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Denis de Reims.
Cependant, il ne s’installe pas à Reims mais à Paris. Talleyrand s’inscrit à la Sorbonne où il préparera une licence de théologie pendant trois ans.
Le 2 mars 1778, il obtient sa licence. [3]
Le 18 décembre 1779, Talleyrand est ordonné prêtre dans la chapelle de l’Archevêché de Reims par Mgr Louis-André de Grimaldi, évêque de Noyon. [3 et 4]
Le lendemain, son oncle, devenu archevêque en 1777, le nomme vicaire général de l’archevêché de Reims. Talleyrand célèbre sa première messe devant sa famille. [1, 3 et 4]
Le 10 mai 1780, Talleyrand devient, toujours grâce à son oncle, agent général du clergé de France, charge qui l’amène à défendre les biens de l’Église face aux besoins d’argent de Louis XVI. [1]
En 1783, à l’occasion d’un de ses séjours au château de Saint Thierry près de Reims, que Talleyrand a l’opportunité d’offrir l’hospitalité à William Pitt en voyage en France. [3]
Le 2 novembre 1788, Talleyrand est nommé évêque d’Autun par le roi Louis XVI. Il est sacré évêque, le 4 janvier 1789. [3]
Talleyrand rejoint Autun le 12 mars 1789, et le trois jours plus tard, il prend officiellement possession de son siège. [3]
Le 2 avril 1789, Talleyrand est élu député aux États Généraux, par le clergé de son diocèse. [3]
Le 12 avril 1789, Talleyrand retourne à Paris et quitte son diocèse pour ne plus y revenir. Dès lors, une nouvelle vie commence pour lui, elle sera politique [3].
Talleyrand et la Révolution française, 1789-1792
Dans ses Mémoires, il écrit qu’il vaut mieux “céder avant d’y être contraint et quand on [peut] encore s’en faire un mérite”.
Le 7 juillet 1789, Talleyrand demande la suppression des mandats impératifs. [1]
Le 9 juillet 1789, le roi Louis XVI reconnaît l’Assemblée nationale comme “Assemblée nationale constituante”.
Talleyrand joue un rôle important en tant que membre de l’Assemblée constituante.
Il est notamment l’auteur de l’article VI de la “Déclaration des droits de l’homme et du citoyen”.
Le 10 octobre 1789, Talleyrand dépose une motion concernant la situation financière du royaume, et propose la nationalisation des biens de l’Église. Le projet de loi est voté le 2 novembre 1789. [1]
Le 28 janvier 1790, Talleyrand propose d’accorder le statut de citoyen aux juifs.
Le 16 février 1790, il est élu pour douze jours président de l’Assemblée par 373 voix contre 125 à l’abbé Sieyès.
Au mois de mars 1790, Talleyrand propose l’adoption du système d’unification des mesures.
Le 7 juin 1790, Talleyrand propose à l’Assemblée le principe d’une fête célébrant l’unité des Français, au cours de laquelle des gardes nationaux venus de tous les départements serviraient de représentants du pays : la fête de la Fédération, sur le Champ-de-Mars.
14 juillet 1790, Talleyrand célèbre la messe de la fête de la Fédération à Paris devant environ 300.000 personnes. [1]
Le 28 décembre 1790, Talleyrand prête serment à la Constitution civile du clergé.
En janvier 1791, Talleyrand démissionne de sa charge épiscopale.
Durant l’année 1791, il dirige la rédaction d’un important rapport sur l’instruction publique, qu’il présente à l’assemblée constituante juste avant sa dissolution, les 10, 11 et 19 septembre et qui est à l’origine de la création de l’Institut de France. [1]
La tentative de fuite de Louis XVI provoque une grave crise entre les monarchistes et les partisans d’une République. Malgré les événements, l’Assemblée achève ses travaux constitutionnels en septembre. Talleyrand est signataire de la constitution française de 1791 qui institue un régime de monarchie constitutionnelle avec une seule assemblée législative, élue au suffrage censitaire. Le roi des Français dispose du droit de veto suspensif. [1]
Du 24 janvier au 10 mars 1792, Talleyrand est envoyé en mission diplomatique à Londres. [1]
Le 20 avril 1792, la France entre en guerre en déclarant la guerre à l’Autriche. La Prusse s’engage dans le conflit en soutien à l’Autriche. [1]
Le 29 avril 1792, Talleyrand rejoint à nouveau Londres pour obtenir la neutralité de l’Angleterre. Il obtient ce qu’il était venu chercher le 25 mai.
Après son retour en France, Talleyrand démissionne de son poste de membre du directoire du département de la Seine, le 28 juillet 1792.
Suite à l’insurrection déclenchée aux Tuileries le 10 août 1792, Louis XVI est suspendu par l’Assemblée. Le 13 août, il est remis à la Commune (insurrectionnelle) de Paris, qui l’incarcère au Temple, ainsi que sa famille. [1]
Les ministres du roi sont remplacés par un conseil exécutif provisoire dont le principal membre est Danton, ministre de la Justice. Il est décidé de réunir une nouvelle assemblée constituante, la Convention nationale. [1]
Le 7 septembre 1792, ne souhaitant pas être considéré comme un émigré, Talleyrand obtient de Danton un ordre de mission pour aller à Londres, sous le prétexte de travailler à l’extension du système des poids et de mesures.
“Mon véritable but était de sortir de France, où il me paraissait inutile et même dangereux pour moi de rester, mais d’où je ne voulais sortir qu’avec un passeport régulier, de manière à ne m’en pas fermer les portes pour toujours”. [2]
Talleyrand l’émigré, 1792-1795
L’ouverture de l’armoire de fer découverte aux Tuileries révèle des documents compromettants pour le roi, mais aussi pour d’autres personnalités, notamment Talleyrand et Mirabeau (mort en 1791), qui ont eu des relations cachées avec la famille royale. [1]
Le 5 décembre 1792, un décret d’accusation est porté contre Talleyrand qui préfère rester en Angleterre. [1]
Le 1er février 1793, l’Angleterre se joint à la coalition contre la France. De ce fait, Talleyrand vit désormais volontairement dans un pays en guerre contre la France, sans aucun mandat du gouvernement. [1]
Pendant l’année terrible de 1793 et en 1794, Talleyrand vit à Kensington, un quartier de Londres.
Le 29 août 1793, Talleyrand est sur la liste des émigrés.
Pendant son séjour à Londres, Talleyrand côtoie des émigrés issus du camp des monarchistes constitutionnels et lie des relations avec des Anglais influents. Cependant, son manque d’argent et le ressentiment à son égard des premiers émigrés, rendent sa situation difficile. [1]
À la fin de janvier 1794, le roi George III ordonne son expulsion dans le cadre de l’Alien Bill.
Au mois de mars 1794, Talleyrand quitte l’Angleterre et s’embarque pour les États-Unis. Il y séjourne pendant deux ans, où il vivra tout à tour à Philadelphie, à New York et à Boston.
Talleyrand cherche à y faire fortune, grâce à la spéculation sur les terrains, prospectant dans les forêts du Massachusetts. Il arme même un navire pour commercer avec l’Inde. [1]
En France, la fin de la période de la Terreur lui entrouvre l’espoir d’un retour prochain dans son pays.
Le 15 juin 1795, Talleyrand envoie une requête plaidant sa cause à la Convention.
Grâce notamment à l’appui de Germaine de Staël et à Chénier, Talleyrand obtient la levée du décret d’accusation contre lui. [1]
Le 20 septembre 1795, Talleyrand retrouve la France, un mois avant la fin de la Convention, qui est remplacée par le régime du Directoire. [1]
Talleyrand et le Directoire, 1795-1799
Il participe à la fondation du Cercle constitutionnel, républicain, en dépit de ses amitiés orléanistes et de l’hostilité des conventionnels, qui voient en lui un contre-révolutionnaire. [1]
Espérant obtenir le poste de Ministre des Relations Extérieures, il publie deux essais sur la situation internationale, dont celui du 3 juillet 1797, traitant sur les avantages à se retirer des nouvelles colonies dans les circonstances actuelles. Mais il a contre lui de nombreux détracteurs qui, par la faute de ses amitiés orléanistes, voient en lui un contre-révolutionnaire. [1 et 3]
Le 16 juillet 1797, Talleyrand obtient finalement ce qu’il voulait et il devient le nouveau ministre des Relations extérieures ; grâce notamment à son amie Germaine de Staël qui est intervenue auprès de Barras en sa faveur. [1 et 3]
Lors de sa nomination, Talleyrand aurait dit à Benjamin Constant : “Nous tenons la place, il faut y faire une fortune immense, une immense fortune”. De fait, et dès cet instant, cet “homme d’infiniment d’esprit, qui manquait toujours d’argent” prend l’habitude de recevoir d’importantes sommes d’argent de l’ensemble des États étrangers avec lesquels il traite.
A la fin de l’année 1797, il provoque même un incident diplomatique en faisant demander des pots-de-vin à trois envoyés américains : c’est l’affaire XYZ qui provoque la “quasi-guerre” entre la France et les États-Unis (1798-1800). [1]
Après cette nomination et en prenant prétexte, il écrit au général Bonaparte qui est fait la guerre en Italie, à la fois pour se faire connaître mais aussi et surtout se faire valoir. Le jeune général est séduit et débute alors une forte relation épistolaire.
Le 6 décembre 1797, les deux hommes se rencontrent pour la première fois, alors que le général Bonaparte revient couvert de gloire de la campagne d’Italie. [1]
Le 3 janvier 1798, Talleyrand planifie une grande fête à l’hôtel de Galliffet en l’honneur du général Bonaparte. [1]
Talleyrand soutient le projet du général Bonaparte concernant l’organisation d’une expédition militaire en Égypte, mais en prenant soin de ne pas y être impliqué. [1 et 3]
Le Directoire, tout particulièrement Jean-François Reubell qui déteste Talleyrand, traite lui-même les affaires importantes, et ne l’utilise que comme un exécutant.
La politique de Talleyrand, qui va parfois à l’encontre même de celle des directeurs, a pour but de rassurer les États européens et d’obtenir l’équilibre et la paix. Aussi fait-il part de ses réserves sur la politique de “libération” des pays conquis : le 2 juillet 1799, il écrit à Lacuée, membre du Conseil des Cinq-Cents : “que le système qui tend à porter la liberté à force ouverte chez les nations voisines, est le plus propre à la faire haïr et à empêcher son triomphe”. Talleyrand prend possession de l’administration des Affaires étrangères, qu’il garnit d’hommes travailleurs, efficaces, discrets et fidèles, même si c’est le Directoire qui choisit les ambassadeurs, sans même le consulter. [1]
Le 20 juillet 1799, accusé de malversations, Talleyrand démissionne de son ministère. [3]
Dès lors, il prépare en secret un coup d’état pour renverser définitivement le Directoire. Pour parvenir à ses fins, Talleyrand se rapproche de Sieyès et des généraux Brune, Bonaparte et Joubert, mais ce dernier est tué le 15 août 1799, lors de la bataille de Novi en Italie. [1]
Lors du coup d’état du 18 brumaire (9 novembre 1799), Talleyrand est chargé de faire démissionner Barras ; il réussit parfaitement sa mission, le tout sans avoir à lui verser les sommes importantes qui étaient destinées à l’encourager au départ. [1 et 3]
Talleyrand et le Consulat, 1799-1804
Napoléon Bonaparte et Talleyrand s’accordent sur le fait que les affaires étrangères relèvent du domaine exclusif du Premier Consul : le ministre ne rend compte qu’à Bonaparte. [1]
Néanmoins, Talleyrand devient l’homme le plus important du régime après le Premier Consul et il se rend indispensable dans les relations internationales du Consulat puis de l’Empire.
Il a pour lui de représenter à la fois les valeurs de l’Ancien Régime mais également celles de la Révolution. Il faut aussi ajouter à cela qu’il est un homme de paix et qu’il souhaite la stabilité des relations entre les États européens et le Premier Consul. [3]
En 1800, Talleyrand achète le château de Valençay. Le domaine s’étend sur environ 200 km, ce qui en fait l’une des plus grandes propriétés privées de l’époque. [1]
Talleyrand souhaite ardemment des réconciliations. Le Premier Consul accède à sa requête et écrit amicalement au Roi de Grande-Bretagne et à l’Empereur d’Autriche qui refusent tous les deux une quelconque réconciliation. [1 et 3]
Quant à Paul Ier, le tsar de Russie, il accepte de signé un traité avec la France. Cependant, le 24 mars 1801, il est assassiné au château des Ingénieurs à Saint-Pétersbourg en Russie. Son fils Alexandre Ier lui succède. [1 et 3]
Le 30 septembre 1800, la signature des traités de Mortefontaine pacifie la situation entre la France et les États-Unis.
Vaincue à la bataille de Marengo par Bonaparte, l’Autriche signe le traité de paix de Lunéville, le 9 février 1801.
Enfin, le traité signé à Amiens, le 25 mars 1802, rétablie la paix entre la France, l’Angleterre et l’Espagne.
Si Talleyrand approuve la paix générale, il désapprouve la méthode brutale de négociation. [1]
Il désapprouve ainsi l’annexion du Piémont, le rapprochement excessif entre les républiques française et cisalpine et l’hostilité envers la présence anglaise à Malte. Le Premier Consul annexe également l’Île d’Elbe et occupe la Suisse ; dès le 16 mai 1803, la rupture avec les Anglais est consommée. [1]
Talleyrand est à l’origine de la nomination de Napoléon Bonaparte comme Président de la République Italienne (26 janvier 1802). [3]
Il est aussi l’inspirateur des articles organiques du Concordat de 1801 mais ne mène pas les négociations jusqu’à leur terme car il ne peut fléchir le Saint Siège concernant son cas personnel qu’il aurait voulu voir inclus dans l’article relatif aux ecclésiastiques mariés. Le Concordat est néanmoins signé le 15 juillet 1801. [3]
En 1804, face à l’augmentation du nombre d’attentats perpétrés par des royalistes contre le Premier Consul, Talleyrand joue un rôle d’instigateur ou de conseiller dans l’exécution du duc d’Enghien à Vincennes, le 21 mars 1804. Au moment de la Première Restauration en 1814, Talleyrand fait disparaître tous les documents se rapportant à cette affaire. Il nie par la suite avoir pris part à cette exécution, dans une annexe de ses mémoires. [1]
Talleyrand et le Premier Empire, 1804-1814
Le 11 juillet 1804, Napoléon Ier nomme Talleyrand Grand Chambellan. Ce dernier assiste au sacre de Napoléon Ier en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1805.
Talleyrand est également nommé grand cordon de la Légion d’honneur le 1er février 1805, dans la première promotion. [1]
Pendant la campagne de 1805 en Allemagne, Talleyrand suit Napoléon Ier dans son périple militaire tout en prônant la modération envers l’Autriche afin d’instaurer un certain équilibre entre les grandes puissances européennes, c’est à dire : La France, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Russie et la Prusse. [1]
Du reste, il est le seul à oser tenir tête à Napoléon en lui soumettant ses opinions. Il reste persuadé qu’il faut traiter avec respect les pays vaincus afin de s’en faire des alliés plutôt que des ennemis en leur offrant une paix honorable. [1 et 3]
Après l’écrasante victoire de Napoléon Ier à Austerlitz, le 2 décembre 1815, Talleyrand est contraint de signer le traité de Presbourg (26 décembre 1805), entrainant la création de la confédération du Rhin.
Selon Metternich, Talleyrand commence dès lors à envisager de remettre sa démission à Napoléon Ier. Dans ses conditions, il tente d’atténuer les conditions imposées à l’Autriche, notamment en accordant un pourcentage de rabais sur les sanctions financières (-10%) ; ce qui ne plaît pas à Napoléon. [1]
En 1806, Talleyrand reçoit le titre de “prince de Bénévent”, un État confisqué au Pape Pie VII où il ne se rend pas une seule fois, se contentant d’envoyer un gouverneur. [1]
Talleyrand est de plus en plus en décalage envers la politique conquérante et guerrière de Napoléon. [3]
Le 21 novembre 1806, Napoléon Ier proclame le blocus continental pour nuire aux commerces du Royaume-Unis. [3]
Talleyrand commence à communiquer des informations au tsar de Russie par l’intermédiaire de son ami le duc de Dalberg. [1]
Après les victoires de Napoléon en 1807 contre la Prusse et la Russie, Talleyrand rédige sur ordre de Napoléon et signe le traité de Tilsit. Ce traité va à l’encontre de ses pensées politiques. Il se déclare “indigné” par le traitement réservé aux nations vaincues et il dénonce le fait d’être un “ministre des Relations extérieures sans emploi”. Sa décision est prise et il démissionne de son poste le 10 août 1807. [1]
Le 14 août 1807, Talleyrand est nommé vice-grand-électeur de l’Empire et reste le conseiller de Napoléon. [1 et 3]
Alors qu’il avait initialement suggéré une intervention française en Espagne, Talleyrand s’en désolidarise progressivement du fait de l’évolution de la situation européenne.
Il fait savoir son opposition puis plus tard fait disparaître les lettres et affirme dans ses mémoires avoir toujours plaidé contre. [1]
Talleyrand se voit confier la garde des infants d’Espagne en les logeant dans son château de Valençay pendant sept ans. [1]
Pendant les discussions en marge des entrevues entre les deux empereurs, Talleyrand va jusqu’à déconseiller à Alexandre de s’allier avec Napoléon, en lui déclarant : “Sire, que venez-vous faire ici ? C’est à vous de sauver l’Europe, et vous n’y parviendrez qu’en tenant tête à Napoléon. Le peuple français est civilisé, son souverain ne l’est pas ; le souverain de la Russie est civilisé, son peuple ne l’est pas ; c’est donc au souverain de la Russie d’être l’allié du peuple français”, puis “le Rhin, les Alpes, les Pyrénées sont la conquête de la France ; le reste est la conquête de l’Empereur ; la France n’y tient pas”.
C’est la “trahison d’Erfurt”, “fourberie” (pour Georges Lacour-Gayet) qu’il détaille longuement dans ses mémoires, affirmant avoir manœuvré l’un et l’autre empereur pour préserver l’équilibre européen : “à Erfurt, j’ai sauvé l’Europe d’un complet bouleversement”. [1]
Napoléon Ier, qui ignore l’opération de sabotage entrepris par Talleyrand, est surpris par le manque de réussite de ses discussions avec le tsar de Russie. [1]
Pendant l’hiver 1809, Napoléon Ier est embourbé en Espagne et laisse la France sans nouvelles de lui durant plusieurs jours. La rumeur de sa mort commence à courir.
Talleyrand intrigue au grand jour avec Fouché pour offrir la régence à l’impératrice Joséphine, en cherchant le soutien de Joachim Murat. [1]
Napoléon Ier apprend la conjuration de ses deux ministres le 17 janvier 1809 et décide de rentrer en France immédiatement.
Après son retour à Paris, Le 27 janvier 1809, à la fin d’un conseil restreint de circonstance, Napoléon injurie Talleyrand pendant une trentaine de minutes :
“Vous êtes un voleur, un lâche, un homme sans foi ; vous ne croyez pas à Dieu ; vous avez, toute votre vie, manqué à tous vos devoirs, vous avez trompé, trahi tout le monde ; il n’y a pour vous rien de sacré ; vous vendriez votre père. Je vous ai comblé de biens et il n’y a rien dont vous ne soyez capable contre moi” [1]
Finalement, Napoléon retire à Talleyrand son poste de grand chambellan. [1]
Malgré les menaces qui pèsent sur lui, Talleyrand décide de se représenter à la cours dès le lendemain, contrairement à Fouché qui se fait très discret.
En définitive, il n’est pas inquiété et conserve tous ses autres postes. Napoléon continu même à le consulter, par exemple, ses affaires en cours de divorce et de remariage.
Talleyrand suggère Marie-Louise d’Autriche en conseil extraordinaire de janvier 1810. [3]
Talleyrand connait une période difficile financièrement, c’est finalement Napoléon en 1811 qui va l’aider à se sortir de cette mauvaise passe en lui achetant l’hôtel de Matignon.
Lorsque Napoléon prépare la future campagne militaire en Russie, il envisage sérieusement à emprisonner préventivement Talleyrand et Fouché ; puis il pense à lui proposer le poste d’ambassadeur en Pologne. [1]
En 1812, la campagne de Russie tourne mal et lorsque l’annonce de la retraite des restes de la Grande Armée arrive aux oreilles de Tallyrand, celui-ci déclare : “C’est le commencement de la fin”. Dès lors, il intensifie ses relations d’intrigue. [1]
En décembre 1812, Talleyrand invite sans réussite Napoléon à négocier la paix et à faire d’importantes concessions.
Napoléon lui propose de reprendre le poste de ministre des Relations extérieures mais Talleyrand refuse. [1]
Durant l’année 1813, Talleyrand entretient une correspondance avec Louis XVIII par l’intermédiaire de son oncle ; mais quand la police impériale intercepte certaines de ses lettres, Napoléon pense à l’exiler et à le poursuivre en justice. [1]
Cependant, en décembre 1813, Napoléon accepte le retour des Bourbons sur le trône d’Espagne en suivant la suggestion de Talleyrand. Napoléon lui propose à nouveau de reprendre le poste de ministre des Relations extérieures mais Talleyrand refuse encore. [1]
Le 11 décembre 1813, le roi d’Espagne Ferdinand VII retrouve la liberté et quitte le château de Valençay. [3]
Le 16 janvier 1814, suite à une nouvelle dispute, Napoléon est tout prêt de faire arrêter Talleyrand. Mais le 23 janvier 1814, il le nomme tout de même au conseil de régence. [1]
Le 25 janvier 1814 marque la dernière rencontre entre Napoléon et Talleyrand. [1] Le lendemain, Napoléon quitte Paris pour rejoindre son armée, c’est le début de la campagne de France.
Le 28 mars 1814, alors que les Alliés menacent Paris, le conseil de régence décide l’évacuation de la cour impériale.
Le 30 mars 1814 au soir, Talleyrand exécute une manœuvre habile pour rester, et en maître, à Paris : il fait en sorte qu’on l’empêche de passer la barrière de Passy puis, durant la nuit, négocie la capitulation du corps d’armée du maréchal Marmont, qui dirige la défense de la ville.
Le lendemain, Talleyrand dévoile son “18 Brumaire à l’envers”, alors que les Alliés entrent dans Paris : ce soir-là, le roi de Prusse et le tsar de Russie arrivent à son hôtel particulier, et ce dernier y loge. Il plaide auprès d’eux le retour des Bourbons en ces termes : “La République est une impossibilité ; la régence, Bernadotte, sont une intrigue ; les Bourbons seuls sont un principe”. Il répond également à leurs doutes en proposant de consulter le Sénat : “Le tsar acquiesça ; la Restauration était faite.” (Georges Lacour-Gayet, Talleyrand) [1]
Talleyrand et la première Restauration, 1814-1815
Le 1er avril 1814, le Sénat conservateur élit Talleyrand à la tête d’un “gouvernement provisoire”. [1]
Le lendemain, le Sénat déchoit Napoléon de son trône, alors que ce dernier négociant toujours avec les Alliés pour une abdication en faveur de son fils et une régence de Marie-Louise. [1]
Pendant ce temps là, Talleyrand s’empresse de faire disparaître toute sa correspondance avec Napoléon.
Le temps presse car Talleyrand souhaite prendre des dispositions rapidement pour sortir la France de l’état de guerre. [3]
Pendant les premiers jours d’avril, Talleyrand, son gouvernement et le Sénat rédigent à la va-vite une nouvelle constitution, qui consacre une monarchie parlementaire bicamérale, organise l’équilibre des pouvoirs, respecte les libertés publiques et déclare la continuité des engagements contractés sous l’Empire. [1]
Par le traité de Fontainebleau du 11 avril 1814, Napoléon Bonaparte est obligé de s’exiler à l’île d’Elbe dont il devient le souverain, tout en gardant son titre d’empereur.
Le 12 avril 1814, le comte d’Artois (futur Charles X en 1825) entre dans Paris et s’installe, en même temps que le gouvernement, aux Tuileries. [1]
Le 14 avril 1814, le Sénat défère l’autorité formelle sur le gouvernement provisoire au comte d’Artois, qui accepte pour son frère “les bases” de la Constitution, mais avec certaines restrictions. [1]
Le gouvernement provisoire ne dure qu’un mois. Le 1er mai, Talleyrand rejoint Louis XVIII à Compiègne, où celui-ci lui fait faire antichambre plusieurs heures, puis lui déclare au cours d’un entretien glacial : “Je suis bien aise de vous voir ; nos maisons datent de la même époque. Mes ancêtres ont été les plus habiles ; si les vôtres l’avaient été plus que les miens, vous me diriez aujourd’hui : prenez une chaise, approchez-vous de moi, parlons de nos affaires ; aujourd’hui, c’est moi qui vous dis : asseyez-vous et causons”.
Dans la même conversation, Louis XVIII lui aurait demandé comment il a pu voir la fin de tant de régimes, ce à quoi Talleyrand aurait répondu : “Mon Dieu, Sire, je n’ai vraiment rien fait pour cela, c’est quelque chose d’inexplicable que j’ai en moi et qui porte malheur aux gouvernements qui me négligent.” [1]
Louis XVIII n’accepte pas la Constitution sénatoriale : il préfère accorder à ses sujets la Charte constitutionnelle qui reprend les idées libérales proposées mais rejette l’équilibre des pouvoirs, le roi en accordant aux deux chambres. Le 13 mai, Talleyrand est nommé ministre des Affaires étrangères. [1]
Le 30 mai 1814, après avoir mené les négociations de paix avec les alliés, Talleyrand signe le traité de Paris. Il obtient la fin de l’occupation du payas par les alliés, la France n’aura pas d’indemnités de guerre à payer aux vainqueurs, ses frontières seront celles de 1792. Un congrès est prévu à Vienne avec la présence des représentants de la France. [1]
Talleyrand est fait chevalier de l’ordre de la Toison d’or. La principauté de Bénévent est rendue au pape Pie VII. Louis XVIII le fait enfin “prince de Talleyrand” et pair de France. [1]
Louis XVIII charge Talleyrand de représenter la France au congrès de Vienne et approuve les “instructions” que Talleyrand a proposées. Le diplomate part avec quatre objectifs, les dispositions concernant la France ayant déjà été réglées par le Traité de Paris :
– Prévenir les vues de l’Autriche sur la Sardaigne ;
– Faire en sorte que Naples revienne à Ferdinand IV de Bourbon ;
– Défendre la Pologne face à la Russie ;
– Empêcher la Prusse de mettre la main sur la Saxe et la Rhénanie. [1]
Le 16 septembre 1814 débutent les tractations informelles du congrès de Vienne. Talleyrand, qui y est assisté par le duc de Dalberg, le marquis de la Tour du Pin et le comte de Noailles, y arrive le 23 septembre, l’ouverture étant prévue pour le 1er octobre. Tenu à l’écart des principales réunions qui ont lieu entre les quatre pays (Royaume-Uni, Autriche, Prusse, Russie) qui ont déjà approuvé un protocole le 22 septembre, il est cependant invité à une discussion le 30 septembre où Metternich et Hardenberg emploient les mots “puissances alliées”. Il réagit alors :
” Alliées…, dis-je, et contre qui ? Ce n’est plus contre Napoléon : il est à l’île d’Elbe… ; ce n’est plus contre la France : la paix est faite… ; ce n’est sûrement pas contre le roi de France : il est garant de la durée de cette paix. Messieurs, parlons franchement, s’il y a encore des puissances alliées, je suis de trop ici. […] Et cependant, si je n’étais pas ici, je vous manquerais essentiellement. Messieurs, je suis peut-être le seul qui ne demande rien. De grands égards, c’est là tout ce que je veux pour la France. Elle est assez grande par ses ressources, par son étendue, par le nombre et l’esprit de ses habitants, par la contiguïté de ses provinces, par l’unité de son administration, par les défenses dont la nature et l’art ont garanti ses frontières. Je ne veux rien, je vous le répète ; et je vous apporte immensément. La présence d’un ministre de Louis XVIII consacre ici le principe sur lequel repose tout l’ordre social. […] Si, comme déjà on le répand, quelques puissances privilégiées voulaient exercer sur le congrès un pouvoir dictatorial, je dois dire que, me renfermant dans les termes du traité de Paris, je ne pourrais consentir à reconnaître dans cette réunion aucun pouvoir suprême dans les questions qui sont de la compétence du congrès, et que je ne m’occuperais d’une proposition qui viendrait de sa part.” (Mémoires de Talleyrand) [1]
Talleyrand provoque la colère des quatre (Metternich déclare : “nous aurions mieux fait de traiter nos affaires entre nous ! “).
Le 3 octobre 1817, Talleyrand menace de ne plus assister à aucune conférence, il se pose en défenseur des petites nations qui assistent à partir de ce moment aux délibérations et exploite les divisions qui se font jour entre les quatre. Appuyé par le Royaume-Uni et l’Espagne, Talleyrand obtient ainsi que les procès-verbaux des précédentes réunions soient annulés. Le congrès s’ouvre finalement le 1er novembre 1814. Pour Jean Orieux, aucun sujet important n’est abordé dans les réunions officielles, tout se passe dans les salons ; les petites nations se lassent et finissent par ne plus y assister. Talleyrand reste alors que les véritables délibérations commencent (il intègre le comité des grandes puissances le 8 janvier 1815) : “C’est ainsi que le comité des Quatre devint le comité des Cinq”. [1]
Talleyrand s’allie à l’Autriche et au Royaume-Uni, un traité secret est signé le 3 janvier 1815, ce qui lui permet d’écrire, triomphant, à Louis XVIII : “Maintenant, Sire, la coalition est dissoute, et elle l’est pour toujours. La France n’est plus isolée en Europe…”
Talleyrand s’oppose à la Prusse et à la Russie, la première n’obtient qu’un morceau de la Saxe et la seconde qu’une partie de la Pologne, qu’elles se partagent. En effet, Talleyrand est partisan d’une Allemagne fédérale qui soit le centre d’équilibre entre les différentes puissances, en particulier la Prusse et l’Autriche. La Prusse et la France se retrouvent avec une frontière en commun, ce qui lui est reproché par une partie des biographes comme la source des guerres franco-allemandes futures ; il est défendu par d’autres.
Talleyrand signe l’acte final du congrès le 9 juin 1815, quelques jours seulement avant la bataille de Waterloo. [1]
En échange de la restitution de la principauté de Bénévent, Talleyrand obtient également une compensation financière et le titre de duc de Dino (du roi rétabli Ferdinand des Deux-Siciles), qu’il transmet à son neveu, et par là à sa nièce Dorothée, qui a brillé durant le congrès. [1]
Entre-temps, Napoléon est revenu de l’île d’Elbe et bien qu’il clame haut et fort son intention de gouverner la France en paix, il redevient comme en 1814 l’ennemi public numéro un des alliés.
Une nouvelle coalition se forme rapidement puisque tous les dirigeants des pays alliés sont déjà réunis au congrès de Vienne. C’est un mauvais calcul de la part de Napoléon qui est rapidement battu par les Anglais et les Prussiens à la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815.
Le retour triomphale de Napoléon en France, sans avoir eu besoin de tirer un seul coup de feu, ruine l’opinion des Alliés au sujet de la fiabilité du pays et de ses représentants dont fait partie Talleyrand.
Cependant, celui-ci, par prudence, refuse de prendre partie pour Napoléon tant que l’affaire n’est pas réglée.
Talleyrand et la Seconde Restauration, 1815-1830
Talleyrand rejoint le roi Louis XVIII à Mons, le 23 juin 1815. Il lui présente son “Rapport fait au Roi”. Les relations entre les deux hommes sont tendues et le roi refuse d’accepter une constitution selon les idées libérales de Talleyrand. [3]
Cette tendance provoque l’inquiétude des Britanniques qui contraignent Louis XVIII à rappeler Talleyrand à la tête du conseil des ministres. [1]
À l’issue de la séance du 27 juin 1815, marquée par des affrontements verbaux, le ministre l’emporte sur le comte d’Artois et le duc de Berry et une proclamation libérale est adoptée. [1]
Le 9 juillet 1815, le roi Louis XVIII nomme Talleyrand, pair de France, président du conseil des ministres et secrétaire d’État au département des Affaires étrangères. [3]
Talleyrand constitue un gouvernement qu’il dirige lui même en ayant comme ligne directrice une politique libérale.
Il entame une révision de la Charte par une ordonnance du 13 juillet 1815 pour organiser le partage du pouvoir entre le roi et les chambres (la chambre des pairs devenant héréditaire, Talleyrand composant la liste des pairs), une libéralisation des élections (baisse du cens, de l’âge minimal), une libéralisation de la presse, etc. [1]
Le gouvernement de Talleyrand tente de mettre un terme à l’occupation du pays par les armées alliées ; Talleyrand obtient aussi une forte diminution des contributions de guerre que devra payer la France aux vainqueurs, passant de 100 à seulement 8 millions de francs. La France perd cependant ses conquêtes de 1792. [1]
Talleyrand entre en conflit avec Fouché (qui a besoin de donner des gages aux royalistes) sur les débuts de la Terreur blanche dans le Midi (Talleyrand est contraint de rétablir la censure) et sur les listes de bonapartistes (Ney, Huchet de la Bédoyère, etc.) à juger. Le ministre de la Police paie de son poste cette divergence de vues, ce qui réjouit Louis XVIII et les ultraroyalistes.
Mais cela ne s’avère pas suffisant et après les élections qui amènent la “Chambre introuvable”, remportée par ces derniers, Talleyrand présente le 19 septembre 1815 sa démission afin d’obtenir un refus et le soutien du roi. Ce dernier, sous la pression des ultras et du tsar Alexandre (qui reproche lui reproche son opposition lors du congrès de Vienne), l’accepte le 23 septembre et change de ministère, appelant un gouvernement mené par le duc de Richelieu. [1]
Le 28 septembre 1815, Talleyrand est nommé grand chambellan de France.
Au printemps 1816, Talleyrand se retire dans son château à Valençay. Il revient à Paris à l’annonce de la dissolution de la “Chambre introuvable”. [1]
Le 18 novembre 1816, sa critique d’Élie Decazes, ministre de la Police, exaspère le roi qui lui interdit de se présenter à la cour, disgrâce qui dure jusqu’au 28 février 1817. [1]
En 1818, Louis XVIII qui n’apprécie pas Talleyrand, donne sa préférence à Jean Dessolle, puis à Decazes, puis à nouveau à Richelieu en 1820 pour diriger le gouvernement du pays. [1]
Alors que les ultraroyalistes sont de plus en plus influents, Talleyrand, désormais proche des doctrinaires, en particulier de Pierre-Paul Royer-Collard qu’il a pour voisin à Valençay, se place pour le reste de la Restauration dans l’opposition libérale. Il prononce le 24 juillet 1821, puis en février 1822 des discours à la Chambre des pairs pour défendre la liberté de la presse, puis le 3 février 1823 contre l’expédition d’Espagne, voulue par Chateaubriand. Talleyrand est alors d’autant plus détesté par les ultraroyalistes que son rôle dans l’assassinat du duc d’Enghien est révélé par Savary. Ce dernier est alors exilé sur ordre de Louis XVIII, lequel souhaite protéger l’honneur de son grand chambellan. [1]
Talleyrand assiste à la longue agonie de Louis XVIII qui s’éteint à l’âge de 68 ans, le 16 septembre 1824. Il meurt sans descendance, c’est son dernier frère, le comte d’Artois, qui lui succède sur le trône à l’âge de 67 ans, devenant le roi Charles X.
L’avènement de Charles X, chef du parti des ultraroyalistes, enlève à Talleyrand ses derniers espoirs de retour au pouvoir. [1]
Dès lors, Talleyrand se rapproche du duc d’Orléans et de sa sœur, Madame Adélaïde.
Le journaliste Adolphe Thiers demande à Talleyrand de l’aider à publier son journal d’orientation libérale : “Le National”. [1]
Ce journal se retrouve au cœur de la contestation des Ordonnances de Juillet qui provoque les Trois Glorieuses et la chute de Charles X. [1]
Talleyrand et la Monarchie de Juillet, 1830-1848
Louis-Philippe revient à Paris dès le lendemain, et va s’entretenir avec Talleyrand pour prendre son parti. Celui-ci l’aide par l’entremise d’Adolphe Thiers. [1]
Le 2 août, Charles X, retiré à Rambouillet, abdique. [6]
Le 7 août 1830, la Charte de 1814 est révisée. Le préambule rappelant l’Ancien Régime est supprimé. La charte devient un pacte entre la nation et le roi, et cesse d’être une concession de ce dernier. Elle s’inscrit comme un compromis entre les constitutionnels et les républicains. La religion catholique n’est plus religion d’État, la censure de la presse est abolie, le drapeau tricolore rétabli. [5]
La cérémonie de proclamation officielle de la monarchie de Juillet se déroule le 9 août 1830 au palais Bourbon, dans la salle provisoire des délibérations de la Chambre des députés, pavoisée de drapeaux tricolores. [6]
Devenu roi, Louis-Philippe, après avoir souhaité faire de Talleyrand son ministre des Affaires étrangères, le nomme rapidement à sa demande ambassadeur extraordinaire à Londres, afin de garantir la neutralité du Royaume-Uni vis-à-vis du nouveau régime. [1]
La nomination de Talleyrand rassure l’Europe, effrayée par cette nouvelle révolution française, alors qu’éclate la révolution belge. Lui-même explique être à l’époque “animé de l’espoir, du désir surtout, d’établir cette alliance de la France et de l’Angleterre, que j’ai toujours considérée comme la garantie la plus solide du bonheur des deux nations et de la paix du monde”. [1]
Talleyrand s’oppose au ministre Louis-Mathieu Molé, les deux hommes essayent de mener une politique sans tenir compte l’un de l’autre, le ministre menaçant de démissionner. Talleyrand prône par exemple contre Molé l’évacuation de l’Algérie, que souhaitent les Britanniques ; Louis-Philippe choisit de s’y maintenir. Molé est cependant remplacé par Horace Sébastiani, qui ne gêne pas Talleyrand. [1]
À la suite de la déclaration d’indépendance de la Belgique du royaume uni des Pays-Bas, proclamée unilatéralement par le gouvernement provisoire belge le 4 octobre 1830, Talleyrand est envoyé à Londres en tant que plénipotentiaire du roi des français lors de la conférence internationale entre les cinq grandes puissances européennes, qui s’ouvre le 4 novembre 1830 afin de traiter du sujet. [1]
Talleyrand y argumente auprès des cinq pour un concept qu’il forge de “non-intervention” dans la guerre belgo-néerlandaise lors de laquelle Guillaume Ier, alors roi des Pays-Bas, tente de reconquérir ses terres. Après avoir refusé l’idée d’une partition de la jeune Belgique, puis avoir envisagé un temps une telle idée, il plaide pour la création d’un État fédéral neutre sur le modèle de la Suisse ; il signe les protocoles de juin 1831, puis le traité des XXVII articles, qui officialisent celle-ci. Il va jusqu’à passer sur ses instructions en acceptant, et même en négociant, la préservation des frontières du pays et le choix de Léopold de Saxe-Cobourg comme souverain du nouveau royaume, qui deviendra une monarchie constitutionnelle. Il approuve la décision du nouveau Premier ministre, Casimir Perier, de soutenir militairement cette neutralité en envoyant l’armée du Nord, menée par le maréchal Étienne Maurice Gérard, contrer l’offensive de l’armée néerlandaise lors de la campagne des Dix-Jours en août 1831. La Belgique fait alors démanteler les forteresses sises à la frontière française à l’exception de celle de Luxembourg située dans les possessions privées de Guillaume 1er, le grand-duché de Luxembourg, dont Talleyrand obtiendra finalement le partage à sa convenance, en maintenant la route reliant Metz à Liège hors du giron de la Confédération germanique (dont faisait parte le grand-duché) par le fait que le Pays d’Arlon revienne à la Belgique, dans la future province belge de Luxembourg, neuvième province à rejoindre le Royaume. Le reste des possessions personnelles de Guillaume 1er, alors également grand-duc de Luxembourg, devenant petit à petit l’état indépendant du Luxembourg actuel. [1]
Talleyrand participe ensuite à la reprise des pourparlers entre les deux belligérants lors de la signature de la convention de Londres le 21 mai 1833. La paix est signée à l’été de la même année, lors de la convention de Zonhoven, lors de laquelle il est remplacé par Adolphe Fourier de Bacourt. Talleyrand rentre en France. [1]
Talleyrand travaille sur le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : le rapprochement du Royaume-Uni et de la France, base de l’Entente cordiale. Les deux pays interviennent conjointement pour obliger le roi des Pays-Bas à respecter la nouvelle indépendance de la Belgique. [1]
En France, si Talleyrand bénéficie d’une estime importante parmi les élites politiques et auprès du roi, sa réputation est au plus bas : “Le prince a évité à la France le démembrement, on lui doit des couronnes, on lui jette de la boue”. C’est en effet à cette époque que s’exacerbe la haine généralisée des partis à son encontre. Il devient le “diable boiteux”, celui qui a trahi tout le monde. [1]
Talleyrand reste en poste jusqu’en 1834 et la conclusion du traité de la Quadruple-Alliance, signé le 22 avril. Fatigué des difficultés de négociation avec Lord Palmerston, il quitte son poste, après avoir signé une convention additionnelle au traité le 18 août. Il arrive à Paris le 22 août ; on parle de compléter les alliances en l’envoyant à Vienne. Il renonce à la présidence du conseil, qui est confiée à Thiers (Talleyrand participe à la formation du gouvernement), puis à la scène publique. [1]
La retraite et la mort de Talleyrand, 1834-1838
Talleyrand restera conseiller général de l’Indre, jusqu’en 1836. Il conseille toujours Louis-Philippe, en particulier en 1836 sur la neutralité à adopter dans le problème de la succession espagnole, contre l’avis de Thiers, qui y perd son poste. [1]
Le 9 décembre 1835, Madame de Talleyrand décède à Paris. [3]
Talleyrand s’occupe de moins en moins de politique mais il reçoit encore de nombreuses personnalités, telles qu’Alfred de Musset et George Sand, Honoré de Balzac. Il termine également la rédaction de ses mémoires. [1]
En 1837, Talleyrand quitte son château de Valençay pour s’installer dans son hôtel particulier de la rue Saint-Florentin à Paris. [1]
À l’approche de la mort, Talleyrand doit négocier un retour à la religion pour éviter à sa famille le scandale d’un refus de sacrements et de sépulture comme dut le subir Sieyès. Après un discours d’adieu à l’Institut le 3 mars324, ses proches confient à l’abbé Dupanloup le soin de le convaincre de signer sa rétractation et de négocier le contenu de celle-ci. Talleyrand, qui joue une fois de plus sur le temps, ne signe que le jour de sa mort, ce qui lui permet de recevoir l’extrême-onction. Au moment où le prêtre doit, conformément au rite, oindre ses mains avec l’huile des infirmes, il déclare : “N’oubliez pas que je suis évêque”, reconnaissant ainsi sa réintégration dans l’Église. L’événement, suivi par le tout-Paris, fait dire à Ernest Renan qu’il réussit “à tromper le monde et le Ciel”. [1]
Lorsqu’il apprend que Talleyrand est à l’agonie, le roi Louis-Philippe décide, contrairement à l’étiquette, de lui rendre visite. “Sire, murmure le mourant, c’est un grand honneur que le roi fait à ma Maison.”
Talleyrand meurt le 17 mai 1838, à 15 h 35 ou 15 h 50, selon les sources, après avoir nommé Adolphe Fourier de Bacourt son exécuteur testamentaire. [1]
Des funérailles officielles et religieuses sont célébrées le 22 mai 1838. L’inhumation provisoire (qui dure trois mois) de Talleyrand a lieu le 22 mai dans le caveau de l’église Notre-Dame de l’Assomption (Paris 1er), sa sépulture à Valençay n’étant pas terminée. Embaumé à l’égyptienne, son corps est placé dans la crypte qu’il a fait creuser sous la chapelle de la maison de charité qu’il a fondée en 1820 à Valençay, où il est ramené de Paris le 5 septembre ; ce lieu devient la sépulture de ses héritiers et le reste jusqu’en 1952. [1]
Jusqu’en 1930, une vitre laisse voir son visage momifié. La plaque de marbre qui recouvre une face du sarcophage de marbre noir placé dans un enfeu porte : “Ici repose le corps de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince duc de Talleyrand, duc de Dino, né à Paris le 2 février 1754, mort dans la même ville le 17 mai 1838.” [1]
Le sarcophage de Talleyrand est remonté de la crypte en 2004 pour être exposé dans le chœur de la chapelle. [1]
Talleyrand n’aura eu qu’un fils : Charles de Flahaut 1785-1870. Général de division en 1813, diplomate, Membre de la Chambre des pairs et Sénateur du Second Empire.
# Illustration d’en-tête : Charles Maurice de Talleyrand Périgord (1754–1838), Prince de Bénévent par François Gérard, Public domain, via Wikimedia Commons.
# Illustration : Entrevue d’Erfurt en 1808 par Nicolas Gosse, Public domain, via Wikimedia Commons.
[1] Article Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord de Wikipédia en français (auteurs). Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 4.0.
[2] Mémoires et correspondances du prince de Talleyrand. Édition intégrale présentée par Emmanuel de Waresquiel. Éditions Robert Laffont. Collection Bouquins. 2007.
[3] Site Internet Les Amis de Talleyrand.
[4] Talleyrand, souvenirs actuels… Docteur Guy Rérolle. Éditions Clea. 2007.
[5] Article Monarchie de Juillet de Wikipédia en français (auteurs). Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 4.0.
[6] Article Louis-Philippe Ier de Wikipédia en français (auteurs). Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 4.0.
0 commentaires