1805, la campagne d’Autriche,
le 29 Août 1805 la Grande Armée quitte Boulogne-sur-Mer …
Le 29 Août 1805 la Grande Armée quitte Boulogne-sur-Mer, la brigade du 5e Corps du Maréchal Jean Lannes (°1769 +1809), composé du 9e et du 10e régiment de hussards fait également marche en direction du Rhin.
Ce sera pour Jean-Baptiste Guindey son baptème du feu à Holsheim, près de Wertingen (Bavière), la cavalerie autrichienne sera mise en désordre au prix de combats furieux.
Le Général Anne François Charles Treilliard (°1764 +1832), conduira la cavalerie légère du Maréchal Lannes, il a mené le 8 Octobre 1805….le 9e et le 10e régiment de hussards à la bataille de Wertingen.
Le 10e régiment de hussards qui comptait 31 officiers, 509 hommes et 480 chevaux au début de la campagne de 1805, était réduit à 23 officiers, 196 hommes et 298 chevaux après Austerlitz (1).
Le 26 Décembre 1805, le traité de Presbourg (aujourd’hui Bratislava) est signé à la suite des défaites autrichiennes (Ulm 16-19 Octobre) et (Austerlitz 2 Décembre).
Jean-Baptiste Guindey adresse une longue lettre (2) à ses parents datée du 26 Janvier 1806 de Strasbourg, dans laquelle il leur fait part de son premier engagement face à l’ennemi, de ses blessures physiques et morales et du manque de ses proches dans la dure période qu’il vient de traverser. Hélas d’autres épreuves l’attendent.
Mes très chers père et mère,
Je ne sais à quoi attribuer le retard que vous mettez à me donner de vos nouvelles, je pourrais cependant bien m’en douter, car je suis obligé de vous faire les mêmes reproches, je pourrais donc l’attribuer à votre négligence, malgré cela je préfère être sûr que c’est le seul motif qui me prive du plaisir de vos chères nouvelles que tout autre plus grave.
Au moment où je vous écrivis de Calais ma dernière lettre, nous allions partir pour notre dépôt pour être montés et de là partir de suite pour l’armée. Je vous marquais de m’adresser la réponse et ce que je vous demandais, à Maubeuge, où je devais être reçu maréchal des logis, d’ailleurs vous savez que dans votre dernière lettre vous me disiez que vous teniez à ma disposition la petite somme que je vous demandais pour le moment de ma réception. Le Colonel m’avait dit, qu’en arrivant au dépôt je serais maréchal des logis, j’y comptais avec la plus grande certitude, mais en arrivant au dépôt, j’appris que mon Colonel était à Paris et qu’il ne nous joindrait que de l’autre côté du Rhin, effectivement, cela fut ainsi, et en arrivant il me dit “Mon cher, vous ne perdrez rien pour attendre, faites bien votre devoir à la première affaire et je vous ferai la croix de mérite en vous faisant maréchal des logis”. Animé par ces promesses et en même temps pour mon honneur, nous rencontrâmes le 16 Vendémiaire pour le première fois l’ennemi aux bords du Danube, près Holseim, petite ville. Notre infanterie l’attaqua la première, ensuite vint notre tour, à la première charge, j’eus mon cheval tué d’un boulet, mon capitaine me donna le cheval d’un camarade qui venait d’être tué, je revins à la charge et je fis fort bien mon devoir suivant ce que tout le régiment me dit. Nous arrivâmes devant Ulm sans que notre régiment prît part à aucune affaire, mais là, nous avons, Dieu merci eu affaire, j’en porterai toute ma vie les marques. jamais régiment n’a chargé avec autant d’impétuosité que le notre, 600 hommes contre 4500 dont un régiment de houlans, nous avons tout mis en déroute, tués ou prisonniers. J’ai fait ce jour-là 3 prisonniers houlans que j’ai conduits au Maréchal Lannes, mon corps. Criblé de coups de sabres sur le figure, les bras et ma main gauche, je suis retourné encore dans les rangs où en arrivant, mon cheval fut tué d’un biscayen, mes camarades me voyant dans l’état où j’étais, me portèrent à l’ambulance où je fus pansé des trois coups de sabre les plus forts, pour le reste c’était des coups de rien, mal portés, qui m’avaient meurtri, mais je vous assure aussi que les trois prisonniers que j’ai faits étaient joliment sabrés, puisque deux sont morts dans l’espace des 4 heures par la perte de leur sang, n’ayant pu être pansés parce qu’on commençait par les Français les premiers, comme de raison, le 3e, était un sous-officier de houlans qui, en l’abordant, me régala d’un coup de sabre sur la figure dont j’ai eu la joue traversée et les gensives endommagées. D’ailleurs si j’ai le bonheur de vous revoir vous en jugerez, car il est assez apparent, aussi le pauvre diable avait sa revanche d’un coup de pistolet qui ne lui a fait que peur, vu que je l’ai manqué, j’ai couru dessus comme un enragé, me voyant défiguré et mon sang qui ne faisait qu’augmenter ma colère, je lui portai un si terrible coup sur la tête, que son casque fut traversé et tomba, dans ce moment un second sur le crâne le mit en bas de son cheval, aussitôt il défait son sabre et me le remet en me disant “Tiens, je ne puis me rendre à un plus brave que toi”. je l’ai conduit et j’ai obtenu ensuite qu’il vint à l’hôpital avec moi où j’ai été guéri avant lui. Pour lors, je fus rejoindre le régiment de l’autre côté de Vienne, avec un détachement du régiment qui conduisait des chevaux qui avaient été blessés. Je trouvai le régiment près d’Austerlitz trois jours avant la fameuse bataille. C’est là, mon cher père, qu’il fallait voir avec quel acharnement notre armée et les Russes se sont battus. Il m’est impossible de vous dire la dixième partie de ce qui s’est passé, nous appelons cette bataille la bataille des trois empereurs puisqu’ils y étaient en personne, c’est encore là où j’ai cru finir mes jours, lorsque mon cheval eut la jambe emportée par un boulet et moi un instant après une balle dans le flanc qui me jeta sur le corps d’un capitaine de chez nous qui était étendu, la moitié de son pied emporté, nous sommes restés environ deux heures comme cela. Ensuite on nous a conduits à l’ambulance pour nous panser, ma blessure n’a pas été jugé dangereuse à cette époque, aussi le capitaine au bout de cinq jours, me proposa de rentrer en France avec lui, il avait une bonne voiture, je fus bien content de cette proposition. Nous partîmes et à 30 lieues de France il est mort de sa blessure que le cahot de sa voiture a envenimée. je me trouvais alors seul, heureusement qu’il passait tous les jours des transports de blessés Français, j’en ai profité et je suis à Strasbourg à l’hôpital où il était temps que j’arrive car ma blessure s’est rouverte et jamais je n’ai autant souffert qu’à présent, parce que le transport m’avait abîmé et mon sang n’est pas encore calmé. j’espère être évacué pour Schelestadt où est notre dépôt, où je compte être parfaitement guéri après un mois d’hôpital. j’ai été bien heureux après ma dernière blessure d’avoir eu de l’argent pour la route, car autrement je ne serais plus au monde à présent, une quinzaine de louis que j’avais m’ont bien servi à me faire panser et acheter toute sorte de médicaments en route où j’ai resté 33 jours à faire deux étapes par jour, aussi je suis rentré en France sans le sou avec la chemise que j’ai sur le dos, et pour comble de malheur, le régiment reste en Bavière jusqu’au mois de mai prochain. On me fait espérer beaucoup d’avantages une fois que le régiment sera rentré, mais en attendant, je suis dans la plus grande misère.
Veuillez me répondre de suite à l’hôpital de Schelestadt. Si vous pouvez me faire passer quelques secours, ça viendra bien à propos, autrement ne me privez pas toujours du plaisir d’avoir de vos nouvelles et du pays. Adieu, je vous embrasse de tout mon coeur et suis pour la vie votre bon fils.
J.B. Guindey.
Sources & bibliographie :
(1) Extrait du Carnet de la Sabretache N°136.
(2) Archives Nationales de Paris.
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